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Article Pèlerin

Laissons-nous guider par un article du Pèlerin

"Le professeur Franck Schwab et ses élèves, pendant le cours d’éducation civique, juridique et sociale, dans un lycée "

"Douze ans après le rapport Debray qui insistait sur la nécessité d’étudier le fait religieux dans l’école laïque, où en est cet enseignement en 2014 ? Enquête sur un sujet qui reste sensible. "

"Comme chaque vendredi après-midi, 14 élèves de seconde 8 assistent au cours d’éducation civique, juridique et sociale (ECJS) dans un lycée. Les séances se déroulent en demi-groupe. Et c’est le professeur d’histoire-géographie, Franck Schwab, qui enseigne cette matière.

« Nous allons travailler sur la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui précise et réaffirme un certain nombre de droits anciens notamment la liberté religieuse », annonce-t-il.

Il distribue des photocopies où figurent l’article 10 de la déclaration de 1789 et l’article 18 de celle de 1948. Un élève, lit à voix haute : « Article 10, nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses (…) Article 18, toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (…) » « à quoi est assimilée la croyance ? » demande le professeur.

Il poursuit : « à une opinion : je pense qu’un Dieu existe, qu’il s’appelle untel ou untel. Chacun a le droit de le penser, d’en discuter, d’argumenter et on n’a pas à le juger, même si on a un autre avis. C’est une question de tolérance, de respect pour que la société fonctionne. »

Ancien scout, autrefois enfant de chœur à la cathédrale de Verdun, Franck Schwab se sent à l’aise sur le sujet de la religion comme sur celui de la laïcité. Et joue son rôle de prof à fond :

Il est essentiel que les élèves acquièrent une culture religieuse large et diversifiée. Mais ce n’est pas ma mission de les convaincre de quoi que ce soit. J’ai un devoir de réserve et je ne parle jamais de mes propres convictions.

Depuis le rapport de Régis Debray, en 2002, le fait religieux s’est imposé dans les programmes scolaires, certes de manière inégale, de la sixième à la terminale. « Ce rapport est arrivé sur un terrain défriché, rappelle Isabelle Saint-Martin, directrice de l’Institut européen en sciences des religions.

►Document. Rapport Debray de février 2002 : « L'enseignement du fait religieux dans l'École laïque ».

Dès la fin des années 1980, devant l’inculture croissante des élèves, il est apparu nécessaire de ne pas écarter de l’enseignement les grands textes religieux fondateurs. Une lecture littéraire de ces textes est tout à fait possible dans le cadre de la laïcité.

En 1996, des pages de la Bible et, à titre de comparaison, quelques extraits de L’épopée de Gilgamesh, puis, plus tard, du Coran, ont été introduits dans les programmes de français. Régis Debray a permis d’aller plus loin et de dépassionner le débat.

Dix ans après le rapport Debray, entretien filmé avec Régis Debray. (Source : Eduscol.)

« Ce rapport a levé l’inquiétude de ceux qui craignaient que l’on fasse entrer le catéchisme dans l’école publique, rappelle Isabelle Saint-Martin, directrice de l'Institut européen en sciences des religions. Ce n’est pas du tout le cas, tant en Histoire qu’en Lettres. On étudie, par exemple, les récits de la Création dans les différentes traditions religieuses qui révèlent comment les hommes se représentent leurs origines. Ces récits mythiques permettent une lecture du monde riche, profonde, qui aide à comprendre le sens de l’humanité dans l’univers où elle évolue. »

Aujourd’hui, le fait religieux est abordé dans plusieurs disciplines des programmes scolaires, de manière transversale. Ce sont essentiellement les trois religions monothéistes qui sont traitées à peu près à parts égales.

Apprendre à gérer la confrontation

Un professeur d’histoire-géographie, enseigne depuis dix-sept ans dans un lycée :

« Nous avons un grand nombre d’élèves de confessions différentes. Certains ne sont pas toujours d’accord avec ce que nous leur disons en cours. Dès que l’on prononce le terme « juif » ou « musulman », on doit faire face à des contestations. C’est un facteur de tension. Les programmes ne nous aident guère. En seconde, nous avons trois fois cinquante-deux minutes dans l’année sur la chrétienté médiévale, et moins de deux heures sur la transition Constantinople/Istanbul… On a une vision trop peu approfondie du fait religieux. »

Ce professeur n’est pas le seul à évoquer la difficulté de répondre aux élèves sans heurter leurs convictions, de rester le plus neutre possible. Une autre professeure à la retraite, se souvient :

« J’ai été confrontée à des élèves qui n’acceptaient pas l’idée que Jésus soit né juif, qui ne voulaient pas entrer dans une église ou dans une synagogue, lorsque nous visitions les lieux de culte.» un autre enseignant et secrétaire général de l’Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG), confirme :

« Le professeur doit apprendre à gérer la classe quand il rencontre la contestation. Quand on travaille sur le Coran, par exemple, et qu’un élève musulman affirme que les femmes doivent être voilées alors que ce n’est écrit nulle part, il faut pouvoir argumenter. L’élève va s’accrocher à ses croyances. Il m’est arrivé d’entendre : « De toute façon, vous ne lisez pas le texte en arabe, donc vous ne savez pas ! »

►Pèlerin n° 6852 du 27 mars 2014.